News du 19 novembre 18
Un écho de la première Soirée de l’Atelier des Savoirs à Dhagpo Bordeaux
Séverine Abignon, psychologue clinicienne, et Anila Trinlé, moniale et enseignante bouddhiste, ont animé la première Soirée de l’Atelier des Savoirs samedi 20 octobre. Une dizaine de personnes assistaient à cette rencontre et les nombreux échanges ont été fructueux. Nous nous en réjouissons et nous vous attendons pour notre prochaine Soirée le jeudi 24 janvier, de 19h30 à 21h30, le thème en sera « Nos regards en miroir sur le corps altéré par la maladie » avec Virginie Courau et anila Trinlé.
En attendant, une Matinée de l’Atelier des Savoirs aura lieu le samedi 1er décembre, de 9h30 à 12h30, avec Marie-Noëlle Gombert (infirmière), Martine Laval (psychologue clinicienne), et anila Trinlé. Le thème « Faire face à l’épuisement » nous offrira l’occasion de nous questionner nos ressources pour dépasser l’épuisement.
Des extraits de notre réflexion…
C’est avec la lecture du poème « La vieille dame grincheuse », un texte retrouvé dans les affaires d’une vieille dame irlandaise, après sa mort dans un service de gériatrie, que Séverine Abignon, psychologue au CHU de Bordeaux, a entamé la réflexion de cette soirée : réflexion sur notre regard de professionnel ou d’aidant sur la personne vieillissante. En écho à ce texte, aussi lucide qu’émouvant, les échanges ont témoigné de la difficulté à aborder le soin ou la relation d’aide avec la personne âgée. Plusieurs pistes de réflexion ont émergés de ces discussions .
On a tendance à enfermer la personne dans le corps que nous voyons et dans la parole que nous entendons, oubliant que nous ignorons tout de sa vie et du contexte de sa vie, oubliant dans le cas de la vieillesse que la personne âgée n’est pas née vieille et qu’avant de vieillir, elle a été jeune. Le piège pour l’aidant ou le soignant est de n’entendre la personne qu’à partir de cette grille de lecture. On peut ainsi stigmatiser des situations et inviter des personnes à s’y installer définitivement.
Considérer la personne comme « personne âgée » traduit implicitement que l’on n’est pas soi-même âgé. On crée ainsi une forme de barrière, une entrave dans la relation de soin ou d’accompagnement, alors que l’âge est une notion toute relative : on peut être gamin ou jeune homme pour certains, et vieux pour d’autres, tout en ayant beaucoup plus de 50 ans. Quand on se considère soi-même, on a d’ailleurs pas vraiment d’âge ! Plutôt que de parler de personne âgée, parler de vieillissement modifie le rapport à la personne car nous sommes tous concernés, à différents stades, par ce vieillissement.
En institution, les soignants n’ont pas souvent le temps de la rencontre de la personne, ni celui de la pratique du soin adapté à l’âge et au contexte.
Chez la personne âgée, les mouvements sont plus lents, souvent entravés par la douleur ou le handicap. Par manque de temps le soignant anticipe beaucoup de ses gestes et participe ainsi à la grabatisation de la personne, à sa perte d’autonomie qui s’ajoute à la perte de repères liée à l’hospitalisation. La rencontre dans les soins peut être violente.
Le rapport à la personne âgée agit comme un effet miroir : cette personne âgée qui est devant moi, c’est moi dans quelques temps… elle représente ce que je ne veux pas être… et il est difficile d’être disponible par rapport à ce qu’on ne veut pas être… La façon dont je suis alors présent n’est pas ce dont j’aurai envie si j’étais à sa place… Cette situation est très inconfortable et le ressenti peut être violent et très déstabilisant.
Etre réellement présent à l’autre, d’instant en instant, est difficile : il y a les contraintes de temps mais il y a aussi les limites de la disponibilité personnelle. Etre présent à l’autre demande déjà d’être présent à soi-même. Si on n’est pas suffisamment disponible, on peut vite se sentir débordé par la demande ou la situation, et en ressentir de la culpabilité.
Qu’est-ce que je fais quand les contraintes de l’institution ne me permettent pas de prendre le temps de la rencontre ? quelles sont les ressources à ma disposition ?
Il est important d’avoir des points d’appui internes, d’avoir des ressources internes et de nourrir ses ressources à l’extérieur de l’activité, pour pouvoir être disponible dans l’activité. Accepter l’imperfection de la situation et s’appuyer sur ses propres richesses personnelles. Ne pas chercher à être tout puissant et retrouver du sens et de la créativité dans sa pratique.
La gratification d’un sourire ou d’un retour positif renforce également les ressources intérieures.
C’est difficile d’être confronté à la souffrance de l’autre et de ne pas pouvoir apporter de réponse, d’où un sentiment d’impuissance. Néanmoins, « si je me sens impuissant, c’est que quelque part j’ai le sentiment que je devrais avoir cette puissance, ce pouvoir, ce qui est une utopie. »
Il y a également de la frustration. « Mais en quoi est-ce un problème de ne pas pouvoir résoudre les difficultés des autres ? Même si je n’ai pas de solution concrète, il y a la présence, être présent à l’autre apporte beaucoup plus qu’on ne l’imagine. »
La collaboration entre professionnels est importante, il est important de savoir qu’il y a des limites et qu’on ne peut pas sauver le monde. On ne peut pas soigner seul, on ne peut pas accompagner seul. Participer aux soins à hauteur de nos compétences et de notre disponibilité, assumer pleinement notre rôle, c’est permettre aux autres professions associées à cette démarche de soin, d’amener la personne à un mieux être. Il est important de travailler en équipe et de s’appuyer sur ses ressources personnelles.