Pour cette première matinée de l’année de l’Atelier des Savoirs, le Docteur Geneviève Pinganaud, médecin gériatre et Véronique Ellies-Martin, psychologue clinicienne, travaillant toutes les deux au CHU de Bordeaux, sont venues témoigner de leur expérience de l’annonce de la maladie grave.
Moment singulier et délicat, l’annonce d’une maladie grave, surtout si aucune issue curative n’est envisageable, peut être vécue comme un tsunami dévastateur par le patient et ses proches mais aussi comme une véritable épreuve par le médecin et l’équipe soignante. Après les paroles prononcées, plus rien ne sera pareil….
Cette annonce renvoie chacun de ceux qui y sont engagés à des questions ontologiques.
L’annonce est un acte médical. Cette situation est un point d’incandescence de la relation avec le patient qui ne peut pas être déléguée mais qui doit être accompagnée. L’annonce est porteuse de violence, violence pour le patient, ses proches mais aussi pour le médecin, « celui par lequel le malheur arrive ». C’est aussi un moment fondateur de la relation soigné-soignant qui, au delà de la fracture provoquée par les mots, doit permettre de construire l’après annonce.
Pour le patient cette annonce constitue un véritable traumatisme, la prise de conscience de sa finitude. La maladie grave ou chronique est un deuil à faire, le deuil de l’immortalité, de la sensation d’éternité. Le traumatisme des mots est une blessure, un choc, qui modifie la personnalité du sujet ; c’est une atteinte affective et émotionnelle mettant en jeu l’équilibre psychique. S’opèrent alors des processus de défense qui peuvent être de la sidération, de la projection agressive, de la régression psychique, de la somatisation, mais aussi de la rationalisation et de la maitrise.
La participation de l’équipe soignante à l’accompagnement de chaque instant de la prise en charge est alors essentielle : remobiliser le sujet vers la pulsion de vie et d’espoir, créer un espace-temps qui permette au patient l’expression et la représentation de ses émotions, sortir des mécanismes de défense et redevenir acteur de sa vie.
Dans tout ce processus, l’ensemble de l’équipe est très affectée et peut-être ébranlée parfois, même de façon violente. Comment se protéger soi ? Comment se préparer à ce moment ? Quelles sont nos ressources pour vivre l’après annonce ?
Des outils théoriques existent et il y a des progrès indéniables dans l’enseignement et la préparation des médecins et des soignants. Néanmoins, on peut professionnaliser le discours, mais le poids de l’émotion ne peut pas se professionnaliser. Chaque situation étant singulière, on est confronté à chaque fois différemment à une part d’impuissance qui fait écho à l’impuissance du patient à accepter la maladie et son issue. Du point de vue médical, l’annonce de la maladie incurable peut être considérée comme un échec ; et pourtant, quand il n’y a plus rien à faire du point de vue curatif, tout reste à faire et toute cette partie accompagnement et soins palliatifs est essentielle.
L’accompagnement de l’annonce est collectif ; c’est un acte pluriel comprenant plusieurs espaces dans le temps. Outre les outils théoriques, nous avons des ressources en équipe ; en parler, partager, permet sortir des émotions et d’élaborer des stratégies.
D’un point de vue personnel, il est important de prendre de la distance, avoir des temps de régulation et de l’aide extérieure, apprendre également à connaître ses limites dans cet espace d’accompagnement. On ne peut être aidant qu’en étant présent à ce qui se passe, quoi qu’il se passe et il est difficile d’être présent à soi-même tout en étant présent à l’autre. C’est une question de travail personnel, un entraînement, une réflexion, un processus exigeant qui prend du temps.
Il devrait y avoir des groupes de travail partout en France afin d’aider les malades et leur famille c’est essentiel pour notre société qui va très mal
Merci pour votre action🙏🏻
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