L’empathie, piège ou ressource ?

Cette quatrième matinée de l’Atelier des Savoirs était consacrée à l’empathie. Clarifier le sens des mots empathie, relation d’aide, bienveillance, compassion… a été notre première démarche. Comprendre pour mieux vivre la relation au patient, mais aussi comprendre pour cultiver des états d’esprit bienveillants sans se perdre. Une vingtaine de personnes ont participé à cette réflexion et ont nourri de leurs expériences ce temps d’échanges animé par Nena Stadelmaier, psychologue clinicienne à l’Institut Bergonié et anila Trinlé.

Quelques définitions

La bienveillance

digNena précise que ce mot tient son origine du latin benevolenta, dans lequel veillance renvoie à une certaine volonté. Vouloir le bien, bien vouloir, c’est ce que Kant appelait la bonne volonté. Et, par homonymie, cela nous fait penser à bien veiller, veiller au bien, ce qui ne signifie pas surveiller, mais être attentif. Dans les deux cas, qu’il s’agisse de volonté ou d’attention, il est fait allusion à quelque chose qui n’est pas spontané, en tout cas quelque chose qui doit être maintenu, entretenu.

La bienveillance peut être considérée comme un façon d’être au monde, comme un certain rapport à soi, à autrui, comme une attitude, une disposition, c’est-à-dire quelque chose de beaucoup plus fondamental, qui va teinter, voire même transformer les gestes techniques des soignants réalisés au quotidien.

Du point de vue de l’enseignement du Bouddha, la bienveillance, dans son acception « vouloir le bien », correspond à ce qui est traditionnellement appelé l’amour illimité. C’est-à-dire au souhait que tous les êtres connaissent le bonheur et ses causes. Il s’agit d’un état d’esprit à cultiver qui se décline au quotidien par la bienveillance que l’on peut définir ainsi : la capacité à se montrer attentionné envers autrui d’une manière désintéressée et compréhensive.

La relation d’aide

digSelon Carl Rogers, « la relation d’aide est une relation dans laquelle la chaleur de l’acceptation et l’absence de toute contrainte ou de pression personnelle de la part de l’aidant permet à la personne aidée d’exprimer au maximum ses attitudes et ses problèmes ».

La relation d’aide demande de la disponibilité intérieure et temporelle, l’acceptation des opinions des autres et d’être attentif à nos jugements. Il s’agit d’une attitude d’accueil et d’empathie.

Le transfert et le contre-transfert

Nena propose de rapprocher ces concepts de l’empathie, c’est ainsi que dans sa clinique elle utilise ce concept inventé par Sandor Ferenczi et théorisé par Freud. C’est un mécanisme par lequel un sujet, au cours de la cure psychanalytique, reporte sur le psychanalyste les sentiments d’affection ou d’hostilité qu’il éprouvait primitivement, surtout dans l’enfance, pour ses parents ou ses proches.

Illustration : la relation d’aide peut créer une situation d’impuissance face à des personnes qui ne la souhaitent pas ou qui y résistent. Nena site l’exemple d’un jeune homme atteint d’un cancer, en fin de vie, dont l’attitude indifférente aux soins bienveillants de l’équipe soignante a suscité pour l’équipe un sentiment d’échec, de frustration.

Dans une situation qui nous résiste, il est important de se rendre compte de notre état intérieur. Ainsi, la rencontre avec la déception révèle clairement les attentes qui ne sont généralement pas vues. Attentes inhérentes au fait de nous attacher à notre projet professionnel, à notre façon d’envisager la relation au patient, à nos représentations de ce qu’est un « bon soignant »… Ceci est naturel bien sûr, mais cela génère parfois, lorsque les situations nous résistent, un sentiment de déception, voire même un sentiment d’échec difficile à vivre. Ces moments peuvent être également des opportunités de voir ce que l’on ne voyait pas et d’en vérifier la pertinence. Un patient a « le droit » de ne pas supporter sa situation et de ne pas collaborer avec l’équipe, malgré toute l’attention que celle-ci lui manifeste.

L’empathie

dig« L’empathie, définie comme la capacité à se mettre à la place d’une autre personne pour comprendre ses sentiments, est un trait distinctif qui nous rend si profondément humain et qui est à la source du raisonnement social et des comportements moraux. Il repose sur des systèmes neurologiques façonnés au cours de notre histoire évolutive que l’on commence à comprendre », nous dit Jean Decety, neurobiologiste américain.

Carl Rogers, précise qu’être empathique, c’est percevoir le cadre de référence interne d’autrui aussi précisément que possible et avec les composantes émotionnels et les significations qui lui appartiennent comme si l’on était cette personne, mais sans jamais perdre de vue la condition du « comme si ».

L’empathie ne doit pas être confondue avec ce que l’on peut appeler la contagion émotionnelle. L’empathie nous amène a être conscient de ce que vit l’autre, d’être conscient de l’écho que cela a en nous, et de faire clairement la différence entre l’émotion de l’autre et la notre. La contagion émotionnelle nous amène a être soi-même pris par la souffrance de l’autre, et de ce fait d’être dans le même état de souffrance que l’autre. Nous n’avons alors aucun espace pour être présent à l’autre.

Quelques réflexions et partage d’expériences

Comment investir la bonne distance ?

digLes émotions existent dans toute relation, elles s’imposent, on les éprouvent, les contrôler est donc illusoire, on peut seulement s’en rendre compte. Parlons plutôt de juste proximité : être attentif à me situer dans ma relation de soin à l’autre, entre m’investir personnellement pour lui ou ne pas créer de lien. Pour cela j’ai besoin du regard des autres pour décoder ma perception, mais attention au phénomène du groupe qui peut être contagieux dans une mauvaise perception du patient.

Avec certains patients, l’ennui s’élève dans l’écoute, comment faire ?

Nena : si l’ennui redouble dans le temps, regarder le mode de relation qui fait qu’on s’ennuie avec la personne, revenir au lien empathique : se poser la question permet de découvrir pourquoi ce mode n’est pas intéressant, quelle est la fonction du symptôme, comme l’agressivité ou le besoin d’être aimé.

Trinlé : bien souvent l’ennui révèle que l’on est plus attentif au discours qu’à la personne qui s’exprime. Ce qu’elle dit ne nous intéresse pas, mais il en est de même pour la fascination pour le discours, pour l’histoire racontée, quand on attend la suite avec impatience ! Il s’agit de revenir à la personne, être attentif à son comportement, aller à la rencontre de ce que l’on n’a pas encore vu, compris. Lâcher le faire comme d’habitude pour aller vers le faire comme jamais. Être neuf dans la situation, dans la relation.

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