Nos regards en miroir sur le corps altéré par la maladie

Cette deuxième soirée de l’Atelier des Savoirs était consacrée au regard que nous portons sur le corps des patients, à l’écho que cela provoque en nous et à la conscience que nous en avons. Virginie Courau, socio-esthéticienne au CHU de Bordeaux, nous a aidés à mieux appréhender cette problématique délicate. 

Cet atelier a rassemblé une dizaine de participants, certains, déjà fidèles à l’Atelier des Savoirs apprécient particulièrement de pouvoir échanger sur différentes thématiques, d’autres découvraient ces rencontres. En tous cas, les échanges ont été nombreux, simples et chaleureux, bien que questionnants et parfois dérangeants.

La première question abordée par Virginie Courau a porté sur le premier regard, le premier instant de rencontre avec un patient. Ce qui nous a semblé particulièrement intéressant, ce sont les particularités en fonction du service dans lequel elle exerce sa profession. Par exemple, en gériatrie, son premier regard lui permet d’évaluer la capacité cognitive et le degré de communication possible. Dans le service de cancérologie, elle se concentre sur le regard, la posture corporelle du patient. Et, avant d’entrer dans la chambre, elle se prépare à rencontrer la personne, se proposant d’être attentive à quelque chose de beau chez la personne, afin de ne pas se focaliser sur les déficits physiques. En addictologie, Virginie a pu constater la fragilité psychologique des patients, notamment due à une grande tendance à la culpabilisation, et elle s’applique donc à poser un regard bienveillant, accueillant et dénué de jugement. Cette première réflexion a suscité beaucoup d’échanges, chacun partageant son expérience et ses questionnements.

Le soin esthétique, dans le contexte hospitalier, demande une approche progressive. C’est un soin qui est proposé, et l’accord de la personne peut prendre du temps. Avant d’accepter d’être touché, peut-être maquillée, coiffée par une inconnue, il s’agit de faire connaissance, même au minimum. C’est par des échanges, que petit à petit, l’accord se fait, ou pas ! Des massages douceur peuvent être proposés, ce qui permet à la personne malade de se détendre et d’appréhender son propre corps de manière différente.

img_20190124_202006Prendre conscience de petits détails qui n’en sont pas, en priorité respecter la pudeur, l’intimité. Combien il peut être difficile de se déplacer dans les couloirs en tenant par exemple sa poche à urine d’une main et de l’autre poussant son pied à perfusion ! 

Il existe des petits accessoires qui améliorent l’image du malade, comme des jolis petites  poches colorées pour dissimuler la poche à urine fabriqués par des bénévoles, ou des jolis petits bonnets confectionnés par d’anciennes malades pour masquer la perte des cheveux, etc.

Quelques témoignages :

C’est dans le contexte du soin esthétique que j’ai vraiment découvert la communication non-verbale, et j’ai trouvé l’échange de regards auprès d’une personne qui avait perdu l’usage de la parole, très troublant et très riche. C’était une très belle rencontre ! 

En tant qu’étudiante en psychomotricité, j’ai pu constater au cours de mes stages, que si les mots peuvent mentir, le corps lui, ne ment pas. Si on est vraiment à l’écoute, on sait si la personne vit bien ce moment de soin, si elle l’accepte sans restriction.

Je suis en fin de formation d’infirmière à la Croix Rouge, où on nous incite à parler de nos difficultés rencontrées lors des stages, il y a des analyses de pratique, c’est très important. On nous apprend aussi à vivre le relationnel, à observer différentes aspects  au niveau technique bien sûr, mais aussi une démarche plus holistique où le relationnel est au cœur de la relation. Ce qui est à craindre c’est la routine, la charge de travail, le stress, aussi il est important de garder cette fraicheur, ce regard-là. 

Ce que je retiens de nos échanges dans cet atelier, c’est l’importance de toujours cultiver l’ouverture, l’écoute. Chaque personne est singulière et nos professions sont différentes, ces échanges sont très riches. Cela amène à réfléchir car, dans le soin, ce que nous amenons intérieurement, reste la chose la plus importante. 

photo-1524499982521-1ffd58dd89eaConnaitre et savoir ce que font les autres professionnels est très important, à l’hôpital on n’en a qu’un petit aperçu. On se rend compte que dans un service on ne travaille qu’avec les mêmes personnes et on fait pas forcément appel à d’autres ressources. Echanger ainsi permet de se recentrer et l’expérience de chacun est très enrichissante.

C’est important de rester créatif, et de se rappeler que les personnes qui sont en face de nous sont des sujets, des personnes, et de ne pas limiter la personne à sa pathologie. La créativité est très importante, parfois des petites choses peuvent vraiment tout changer. 

Pour moi qui suis bénévole, je trouve très réconfortant de voir des jeunes professionnels de santé, avec plein d’idées, de savoir-faire, de compétences. Je reviendrais, c’est sûr ! 

En fait, il s’agit de rester présent à l’instant et de savoir que lorsque rien n’est sûr, tout est possible !

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